lundi 28 février 2011

Petite (et grande) histoire du féminisme

Qu’est-ce que le féminisme ? Un mouvement de lesbiennes frustrées, se retrouvant entres elles, autour d’une bière, pour médire sur les hommes ? Une prise de conscience des inégalités de notre société et une envie réelle d’y réagir ? Qu’est que le patriarcat, la phallocratie, le machisme, le sexisme ? Et au fait, n’il-y-a-t-il qu’un seul féminisme ? Ou peut-on parler des féminismes ?

Définir le féminisme n’est pas une tâche facile. Selon le Larousse de poche, il s’agit d’ « une doctrine tendant à étendre les droits de la femme, à améliorer sa situation dans la société ». Cette définition est un peu vague et ne prend pas en compte tout une série d’éléments qui constituent le féminisme.

On peut remarquer que les mouvements féministes cherchent l'égalité entre les femmes et les hommes. Ils refusent de les enfermer dans des rôles sociaux distincts (tout en valorisant les « qualités » associées au masculin). Mais le féminisme s’attache aussi à lutter contre tous systèmes d’oppression et d’exploitation. Les féministes luttent encore pour une plus grande justice sociale.

Certaines féministes (et j’en fais partie) pensent que le féminisme est avant tout une expérience. On expérimente, on découvre les inégalités de notre société, la place inférieure de la femme et les discriminations. On les découvre et on s’insurge. On veut réagir. Et on devient féministe. Le Féminisme est alors un une prise de conscience, individuelle puis collective, de la subordination de la femme dans nos sociétés et la lutte pour changer les choses.



A la source du mâle


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La découverte des métaux au néolithique est le début des premières guerres meurtrières. Les trois âges du métal (cuivre, bronze, fer) marque une évolution significative dans l’art de la guerre. Les blessures se font graves, les hommes se protègent par des armures, des armées se forment et voyagent. Des armées exclusivement armées d’hommes, qui voient du pays quand les femmes se voient se voient attribuer le rôle de gardienne du foyer. Les hommes estiment avoir un rôle plus important à jouer et un savoir plus étendu, compte tenu de leurs faits d’armes. Ils s’arrogent le droit de gouverner. On découvre aussi un lien entre acte sexuel et naissance. L’homme apporte la semence et la femme n’est qu’un réceptacle. C’est le début de la phallocratie ou du patriarcat. La phallocratie désigne un système de pouvoir caractérisé par la domination culturelle, sociale et symbolique des hommes sur les femmes. Le sexe masculin et la force physique deviennent des arguments pour considérer la femme comme une sous-espèce. On est au commencement de la discrimination sexuelle. Le patriarcat est un système social dans lequel l'homme, en tant que père, est dépositaire de l'autorité au sein de la famille ou, plus largement, au sein du clan. On le retrouve, par exemple, dans la transmission du nom de famille paternel à l’enfant.

Le patriarcat et la phallocratie, ou le pouvoir des hommes sur les femmes, ne naissent donc pas d’un ordre naturel des choses mais sont des constructions sociales. Ils sont toujours d’actualité aujourd’hui, nous vivons dans des sociétés patriarcales et phallocrates. Il suffit de constater que, bien souvent, une femme pour un même diplôme et un même travail sera payée moins qu’un homme (une différence de 15% en Belgique, j’y reviendrais).




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Malgré tout, il y a eu certaines avancées, essentiellement grâce aux mouvements féministes. Droit de divorce, droit de vote, droit d’avorter, droit à la contraception, accès à tous les métiers, accès à toutes les études,…autant de combats remportés. Mais il ne faudrait pas prendre sa pilule pour acquise. Face à cette déferlante d’avancées, le mouvement féministe s’est tassé. Les femmes peuvent avoir l’impression de vivre dans une société égalitaire. Mais rien n’est moins vrai. C’est l’heure de la société hypocrite, qui a appris à mieux dissimuler la discrimination sexuelle. Pensons à ces publicités sexistes, qu’on ne remarque même plus tellement elles sont rentrés dans les mœurs (oui oui, c‘est normal une femme à moitié nue pour vendre un nouvel écran plat ou une nouvelle voiture).

Mesdames, c’est toujours à vous que les tâches ménagères incombent, c’est toujours à vous d’éduquer vos enfants, c’est toujours à vous d’être belles et souriantes pour éviter les jugements, les remarques, les ragots (du type : « elle est réglée » ou « elle est mal baisée », à ce propos, c’est étrange comme un homme est toujours bien baisé, peut importe la tête qu’il tire),…


Les crises (politiques, climatiques, économiques,…) sont l’occasion de remettre en cause nos acquis sociaux, dont les avancées des luttes féministes. On se réfugie dans la religion et le conservatisme, hauts-lieux du machisme primaire. Le féminisme est donc appelé à se renouveler.


Le féminisme ou les féminismes ?

On pourrait presque parler « des féminismes » car il n’y a pas de théories générales mais différents courants, ayant chacun leurs explications et leurs solutions concernant la place subordonnée des femmes dans la société.

  • Le féminisme libéral, réformiste ou égalitaire prône l’égalité totale entre les sexes. Le marché du travail est l’endroit où se cristallise leurs principales revendications
  • Le féminisme radical prône un changement « radical », la fin du patriarcat qui est toujours à la base de notre société. Il s’oppose à tout contrôle du corps et de la sexualité féminine par la cellule familiale ou l’Etat
  • Le féminisme marxiste avance que c’est l’organisation capitaliste du travail qui crée les inégalités. Les femmes restent à la maison et effectuent des tâches non rémunérées, comme le ménage, tandis l’homme participe à la production sociale
  • Le féminisme matérialiste critique le féminisme marxiste. Le capitalisme ne peut explique à lui seul l’exploitation des femmes, qui existait avant. Il faut observer les faits sociaux pour expliquer la domination des femmes
  • Le féminisme noir ou postcolonial rappelle qu’il existe aussi une discrimination culturelle et ethnique
  • Le féminisme lesbien ajoute les discriminations liées à l’orientation sexuelle dans les préoccupations féministes. Il avance que la société patriarcale est hétérosexiste, qu’elle contraint à l’hétérosexualité
  • Le féminisme écologique ou l’écoféminisme voit un lien entre conditions de vie des femmes et préservation de la nature. Il indique que la société capitaliste et patriarcale oppresse les femmes et détruit l’environnement. Il pourrait y avoir un lien entre destruction environnementale et violence du viol
  • Et enfin, le post féminisme est une critique du féminisme, qu’il déconstruit. Il avance que le féminisme a cristallisé les gens dans un genre, il y a la Femme et l’Homme, chacun avec leurs caractéristiques. Il n’aborde pas le fait que personne n’a une identité 100% masculine, ni 100% féminine, que notre identité évolue. Pour les post-féministes, on ne peut classer les gens en homme ou femme. En cristallisant, en portant son attention sur l’identité femme, le féminisme aurait encouragé la reproduction des inégalités et le patriarcat (puisque, pour être une femme, il faudrait être inférieur)

Le(s) féminisme(s) est dérangeant parce qu’il nous interroge sur notre société, sur nos pratiques, qu’il remet en cause. Il nous interroge sur notre intimité, notre rapport à l’autre, notre genre. On sait que l’espèce humaine est résistante aux changements. Mais l’histoire a montré qu’on peut changer les choses. Pour finir sur une note optimiste, voici une ligne du temps non exhaustive des avancées du féminisme (cliquez sur les événements pour voir la description) :






Pour aller plus loin :
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Patriarcat.htm
http://ladiesroom.fr/2008/03/23/feminisme-et-postfeminisme/
http://classiques.uqac.ca/contemporains/toupin_louise/courants_pensee_feministe/courants_pensee_feministe.pdf