vendredi 1 avril 2011

La prostitution, un métier comme un autre ?

La prostitution. Voilà bien un mot qui déchaîne les passions. Mais derrière le mot, quelle réalité ? Alors que la ministre française Roselyne Bachelot propose de punir les clients, chez nous, le journal la Dernière Heure, consacre un article au top 10 des meilleurs « adresses ». Grave banalisation d’une pratique associée à de l’esclavagisme par l’ONU.





@http://www.interet-general.info


Dans notre société, la prostitution est banalisée. Que ce soit la pub, les médias ou certains journaux, comme la Dernière Heure, tout nous pousse à accepter la marchandisation des corps. La sexualisation s’achète et se vend comme n’importe quel service. Mais le corps peut-il être un produit et la sexualité, un service ? C’est la question que pose la prostitution. Elle interroge aussi la place de la femme dans notre société et les rapports de domination hommes-femmes. Le bonheur s'achète au dépens des plus pauvres, des plus démunis. Cachées ou librement exposées dans nos villes, chaque jour, des femmes vendent leur corps…et des hommes sont prêts à payer pour ça. Si des femmes sont battues, violées, séquestrées,… si d’autres entrent dans ce système « volontairement », c’est parce qu’il y a des clients. Ils sont le moteur de ce système, qui exploite les corps et n’est pas sans incidence sur les âmes. Notre société le tolère, voire l’encourage.


Petite liste non exhaustive de ce que j’ai pu lire, ou entendre, au sujet de la prostitution :


- C’est le plus vieux métier du monde, on ne peut rien y faire.


Grosse erreur de logique. Une prostituée se paie, c’est bien le principe non ? Comment on la paie si on n’a pas d’argent ? Ou si on n’a pas un truc à lui échanger ? Si avant, on lui échangeait un poisson contre sa couche, il fallait de toute façon d’abord l’avoir pêché. Aujourd’hui, si on lui donne de l’argent, il faut d’abord l’avoir gagné. Il est donc impossible que la prostitution soit le plus vieux métier du monde.


-C’est le summum de la liberté sexuelle de la femme, celles qui critiquent la profession sont jalouses, voire "mal-baisée".


Très bel argument. Sauf que la prostitution est l’exact opposé de la liberté. Quand un client arrive et paie, la prostituée se met à son service et devra se plier à ses exigences, quelles qu’elles soient. Qu’elle en ait envie ou non. Vous trouvez que ça ressemble à de la liberté ça ? Qu’il y a de quoi être jalouse ? Je suis libre sexuellement parce que je peux choisir avec qui je couche, quand et où. Je peux choisir de mettre fin à la relation sexuelle ou de la recommencer,…


-En fait, tout le monde se prostitue, on accepte bien des cadeaux ou qu’on nous paie le resto non ?


Accepter un cadeau, fait par plaisir par quelqu’un qui vous aime, un ami, un membre de votre famille, ou votre copain, n’a strictement rien à voir avec un client qui paie une femme qu’il ne connait pas, pour se dédouaner de ce qu’il va lui demander par la suite. Je la paie donc il est normal que je la baise. Elle doit honorer le contrat que l’on vient de passer. Quand mon copain m’offre un resto, on ne passe pas un contrat. S’il a envie de me sodomiser après, j’ai encore le droit de lui dire non. Et heureusement.


-Sans elles, il y aurait des pervers dans la rue.


Il y a toujours des pervers dans les rues. Des filles se font encore violées ou agressées. On connait tous une copine qui a subit une main baladeuse dans le tram ou le bus. Et puis, le viol et l’agression sont des crimes, et la place des agresseurs est en prison. Il est étrange d’estimer qu’il faut les laisser se défouler sur quelqu’un, non ?


-Il n’y a pas que le sexe, elles aident psychologiquement.


Pour être psychologue, il faut cinq ans d’étude et un diplôme. Si elles étaient vraiment psychologues, vous croyez qu’elles seraient dans cette situation ?


-C’est leur choix, et puis c’est un métier comme un autre.


C’est une réaction typique de notre époque. Avant, la prostitution était très mal vue. Les prostituées étaient des parias. Aujourd’hui, on a Ruby, la copine de Berlusconi, et Zahia, la tombeuse des Bleus. Des filles qui ont leurs propres émissions de téléréalité. Des filles considérées comme des stars. Presque des exemples à suivre pour les plus jeunes. Dans les émissions, les reportages, les documentaires, les films, let même dans les séries, on vous montrera des femmes très heureuses de se prostituer. C’est juste leur choix. Je ne dis pas qu’il faut revenir aux temps où les prostituées étaient des parias. Juste qu’aujourd’hui, on ne vous montre jamais l’autre côté. Le trafic d’êtres humains. Les viols. Les filles que l’on met de force sur le trottoir. Celles qui sont conduit là par la misère. C’est bien beau de faire de montrer des femmes consentantes. Mais pour une prostituée consentante, combien ne le sont pas ? Vous ne les verrez pas sur les plateaux télé, elles ne décident pas de leurs tarifs, elles sont terrorisées par leur mac,… c’est bien beau de dire que c’est un métier comme un autre, mais ce n’est le cas que pour une minorité d’entre elles. Et encore, ce sont parfois des femmes qui ont vécu des viols ou des incestes (comme les actrices porno). Freud a suffisamment montré l’importance de la répétition dans nos actes.


Pourquoi toujours banaliser cette pratique ? Pourquoi toujours donner des arguments aux hommes qui en profitent ?


Rappelons que payer un rapport, c’est déjà l’imposer. Mon copain ne me paie pas, parce que je suis vraiment consentante à nos rapports. La prostitution est une forme de violence. Elle induit un rapport de domination. Je te paie, donc tu m’obéis. Ici, le corps est la marchandise.



Le corps. La sexualité. Deux des choses les plus intimes qui soient. Quelles séquelles pour ces femmes, obligées d’oublier toute pudeur, toute envie, tout désir.


@http://tchoutchou.org



L’Etat sait très bien mettre des limites à l’exploitation de corps. Je n’ai pas le droit de vendre mes organes, même si j’en ai envie. Dans les projets de loi sur les mères porteuses, il est écrit noir sur blanc qu’on ne peut pas les payer. Mais se payer une prostituée, qui vient peut-être d’Albanie, à qui on a peut-être promis un emploi de serveuse pour ensuite lui prendre son passeport, c’est permis. Toutes les autres formes d’abus sexuelles sont réprimées, mais pas celle-là. Pourquoi ?


Cela nous arrange de fermer les yeux. On ne s’interroge pas sur l’autre, sa souffrance. On estime que la prostitution est une nécessité sociale, qu’elle a une fonction hygiénique. Après tout, un homme a des besoins, il doit les assouvir.On ne met pas de limites aux pulsions sexuelles des hommes. On leur reconnait le droit à la prostitution, à la pornographie, à l’infidélité et aux aventures d’un soir. Par contre, pour la femme, là, c’est autre chose. Inconsciemment, on sait qu’une femme risque de tomber enceinte, donc on le juge différemment quand elle utilise sa liberté sexuelle. Toujours cet utérus bien encombrant, qui servira d’excuse à chaque fois qu’il s’agit de cibler les femmes (pour les salaires, l’emploi..). On admet que les garçons couchent, mais quand une fille se comporte comme un homme, c’est une pute. Un mot qui reste une injure.

Pourtant, un homme n’est pas un animal. Il n’a pas des besoins sexuels qu’il « doit » assouvir. Il a un cerveau aussi. Il peut comprendre qu’imposer un rapport, ce n’est pas normal. Et l’éthique ? Et le respect du corps de l’autre ?



@http://cereales.lapin.org/



Kant l’avait déjà compris, un de ses impératifs dit : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen». Ou, plus facile, quand on dit: « Ne fait pas aux autres ce que tu n’aimerais pas ce qu’on te fasse ». L’autre n’est pas un moyen, un objet, l’autre est une fin en soi, un être humain. Il a la même valeur que nous, une valeur absolue. La prostituée est une femme comme la mère, la sœur, la fille du client. C’est un être humain.



Ne rien faire contre la prostitution, cela arrange tout le monde. Si des femmes se prostituent, que ce soit par choix ou non, c’est peut-être à cause de notre choix de l’accepter tacitement. Je ne crois pas que la prostitution soit un métier comme un autre. Si c’était le cas, on serait toutes prêtes à se prostituer. Si on peut faire ce métier par choix, pourquoi ne pouvons-nous que difficilement envisager de l’exercer ? Pourquoi les hommes sont-ils minoritaires ? Aucune petite fille ne rêve de d’embrasser la carrière. Un métier comme un autre ? Vous le souhaiteriez à votre enfant ?


A voir aussi :Reportage vidéo sur les nuisances de la prostitution pour un quartier : http://www.youtube.com/watch?v=o28jZW9pE9k


Le site du mouvement Le Nid, pour une société sans prostitution : http://www.mouvementdunid.org/

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